La Hongrie conserve les vestiges de peuplements très anciens ; dès le néolithique, des tribus occupent les sites les plus favorables à l'implantation humaine. Tour à tour, les Illyriens , les Thraces, les Celtes laissent leurs empreintes sur le sol hongrois. Enfin, quelques années avant le début de l'ère chrétienne, Rome impose la pax romana aux turbulentes tribus celtes de Transdanubie, où elle fonde la province de Pannonie. Des villes s'élèvent : Sopianae (Pécs), Aquincum (Buda), Savaria (Szombathely). Les Romains franchissent le Danube sous le règne de Trajan et créent une nouvelle province, la Dacie , après deux campagnes (101-102 et 105-107). Cependant, les légions romaines doivent bientôt s'opposer à la pression des Germain s ; la romanisation reste très superficielle, sauf en Dacie, où sont massivement installés des colons, souvent d'origine gauloise. Au cours de la seconde moitié du IIIe siècle, la domination romaine recule sous les coups des Goth s ; puis à l'invasion des Huns succèdent celles des Ostrogoths et des Avars.

La Hongrie des Árpád

Chassés par les Petchenègues de leur aire d'origine (le cours moyen de la Volga), les Hongrois s'établissent entre le Dniestr et le Dniepr . Au début du Xe siècle, Árpád , chef de la tribu des Magyars, réussit à imposer son autorité à l'ensemble des populations. Les Hongrois envahissent alors les plaines fertiles du cours moyen du Danube, puis lancent des raids plus à l'ouest jusqu'en Bourgogne , mais leur élan est brisé par la victoire du roi de Germanie Otton Ier le Grand à la bataille du Lechfeld (955) ; la dynastie des Árpád régnera sur la Hongrie jusqu'en 1301. Les premiers rois favorisent la propagation du christianisme et s'assurent ainsi, en contrepartie, le soutien de la papauté. Sacré roi avec éclat en 1000, Étienne Ier dote ses États d'institutions stables. Les règnes les plus remarquables des XIe et XIIe siècles sont ceux de Ladislas Ier (1077/1095), Coloman I er (1095/1116) et Béla III (1173/1196), qui résiste à l'expansionnisme de l'empereur byzantin Manuel Ier Comnène . Mais, malgré les efforts de Béla IV (1235/1270), la Hongrie connaît au XIIIe siècle une période troublée. Les paysans hongrois sont la proie des raids tatars , qui mettent en pièces l'armée royale à Muhi en 1241. Après plus de trente ans de désordres et de troubles dynastiques, la couronne de Hongrie échoit à la maison d'Anjou en 1308.

L'apogée de la Hongrie médiévale

Sous les règnes de Charles Robert puis de Louis Ier (1342/1382), la monarchie hongroise se centralise et se dote de structures comparables à celles qui sont déjà en vigueur dans les grands États monarchiques de l'Europe. Aussi quand, en 1372, Sigismond de Luxembourg ceint la couronne de Hongrie (par mariage), il trouve un pays prospère : son commerce est florissant, et l'exploitation de gisements aurifères récemment découverts lui vaut un surplus de richesse. Le royaume de Hongrie est alors à l'apogée de sa puissance ; paradoxalement, le règne de Sigismond sera à l'origine de la perte de son indépendance. Les liens privilégiés qu'il entretient avec la papauté poussent en effet Sigismond à élargir son autorité : en 1411, il est sacré roi des Romains ; en 1414, il suscite la réunion du concile de Constance , puis prend une part active à ses travaux ; en 1419, il succède à son frère sur le trône de Bohême ; enfin, en 1433, il est sacré empereur du Saint Empire romain germanique . Mais cette vaste politique européenne lui fait négliger la Hongrie proprement dite, et il doit faire face à de nombreux soulèvements populaires dans le pays après la mort sur le bûcher du réformateur religieux Jan Hus , en 1415 ; puis le péril turc menace ses frontières méridionales. Enfin, Sigismond scelle l'alliance de sa famille avec la maison d'Autriche par le mariage de sa fille, Élizabeth, avec Albert II de Habsbourg . Albert II succède à son beau-père, mais, à partir de 1446, il confie le gouvernement effectif de la Hongrie à Jean Hunyadi , qui avait été gouverneur de province sous le règne de Sigismond. Avec l'appui de la noblesse hongroise, le fils de Hunyadi, Mathias Corvin , est proclamé roi de Hongrie en 1458. Il réorganise le royaume, favorise l'essor de la bourgeoisie et l'épanouissement des idées et des arts de la Renaissance. Mais ses successeurs ne peuvent préserver son oeuvre. La répression qui fait suite au soulèvement paysan de 1514 ruine durablement l'économie rurale.

La Hongrie entre Turcs et Habsbourg

En 1521, les Turcs reprennent l'offensive contre une Hongrie affaiblie ; ils s'emparent de forteresses frontalières et progressent lentement vers l'intérieur du pays. Le 29 août 1526, l'armée hongroise conduite par Louis II Jagellon (1516/1526) est écrasée à Mohács par les troupes du sultan Soliman II  ; Buda est mise à sac. L'effondrement de la Hongrie permet à Ferdinand de Habsbourg de mettre la main sur la moitié occidentale de son territoire, tandis que Jean Zápolya puis son fils, Jean Sigismond , défendent un foyer autonome, mais sous tutelle turque, en Transylvanie . Cette lutte héroïque contre les Turcs se poursuivra pendant plus de cent cinquante ans et suscitera de nombreuses figures légendaires, telles que celle d'István Dobó .

La Hongrie autrichienne

Quand les Turcs perdent du terrain à la fin du XVIIe siècle, ce sont les Habsbourg qui profitent du recul ottoman (prise de Buda en 1686, reconquête de la Transylvanie en 1691, de la plus grande partie de la Hongrie en 1699, du Bánát en 1718). Malgré la révolte de François II Rákóczi , qui s'oppose avec acharnement à l'avance autrichienne de 1703 à 1711, Vienne impose fermement son autorité. Sous les règnes de Charles VI (1711/1740), souverain hongrois sous le nom de Charles III , et de Marie-Thérèse (1740/1780) s'instaure un régime quasi colonial. Des Allemands s'installent sur de vastes domaines ; l'Autriche importe à bas prix les produits agricoles hongrois et exporte au prix fort ses produits manufacturés ; pour conforter le système, des taxes prohibitives frappent le commerce de la Hongrie avec les autres pays européens.

Quand il succède à sa mère, Joseph II (1780/1790) veut mener une politique radicalement opposée ; il souhaite agréger la Hongrie à l'Autriche sur les plans politique, culturel et économique. L'allemand est proclamé langue officielle en 1785 ; l'union douanière est réalisée ; le servage est aboli. En fait, la politique de Joseph II se heurte à la fois aux intérêts de la noblesse hongroise et aux sentiments patriotiques de l'ensemble de la population. Pourtant, mis à part quelques troubles vite réprimés, la Révolution française et l'épopée napoléonienne n'ont pas de vraies incidences sur la destinée de la Hongrie, dont la situation reste stable jusqu'en 1840. Sous l'impulsion de Lajos Kossuth et du poète Sándor Petöfi , véritables leaders charismatiques du renouveau nationaliste au XIXe siècle, les tensions sociales deviennent explosives. En 1848, alors que presque toute l'Europe s'enflamme, la Hongrie est gagnée par l'insurrection. La révolution éclate le 15 mars 1848 ; Kossuth prend le pouvoir à Budapest. Mais la diplomatie impériale réussit à se concilier l'appui des minorités serbe et croate, tandis que les troupes autrichiennes passent à l'offensive. Kossuth, qui espère un moment traiter avec les Habsbourg, est contraint de durcir sa politique. Le 14 avril 1848, la déchéance des Habsbourg et l'indépendance de la Hongrie sont proclamées par le gouvernement hongrois, qui a dû abandonner Budapest, menacée par le maréchal Windischgraetz . Appuyées par le tsar, les armées du nouvel empereur, François-Joseph , écrasent les troupes révolutionnaires et exercent des représailles impitoyables. La cause des patriotes hongrois semble perdue, quand la querelle entre la Prusse et l'Autriche vient tempérer les ambitions des Habsbourg. Poussé par l'impératrice Élisabeth, François-Joseph doit finalement consentir à un compromis qui aboutit à la création, en 1867, de l'empire austro-hongrois , structure bicéphale (deux gouvernements, deux Parlements) réunie sous son autorité.

La double monarchie

Le nouveau statut politique de la Hongrie favorise brusquement son essor économique. Les industriels européens investissent ; les chemins de fer se développent, ainsi que diverses industries mécaniques. L'agriculture, elle aussi, bénéficie de ce mouvement et se modernise. En trois décennies, la Hongrie change de visage ; naguère pays de tradition rurale corseté dans un immobilisme qu'une frange de la noblesse veut maintenir à tout prix, c'est désormais un pays industrialisé, avec une classe ouvrière qui s'organise. Dans les campagnes, les plus défavorisés emboîtent le pas à la classe ouvrière ; les grèves des ouvriers agricoles de 1898-1899 sont spectaculaires, l'agitation sociale gagne les minorités slovaque, serbe, croate et roumaine. L'Autriche fait machine arrière et, mettant un frein à sa politique progressiste, choisit de s'appuyer sur la noblesse terrienne hongroise. C'est alors qu'éclate la Première Guerre mondiale . La Hongrie y est engagée à son corps défendant ; elle paiera un lourd tribut en vies humaines. L'effondrement militaire de l'Allemagne et de l'Autriche à l'automne 1918 entraîne inévitablement l'insurrection en Hongrie.

La Hongrie indépendante

D'inspiration modérée, sous la conduite du comte Mihály Károlyi , qui proclame la république, la révolution se radicalise rapidement. La fusion des partis communiste et social-démocrate, en mars 1919, permet à Béla Kun de prendre le pouvoir. La République des Conseils, qu'il a fondée à l'image des Soviets, ne peut cependant faire face longtemps à l'intervention militaire des Tchèques et des Roumains, appuyés par la France. Le 3 août 1919, les Roumains entrent dans Budapest et installent l'amiral Miklós Horthy de Nagybánya à la tête de l'État, avec le titre de régent (le trône hongrois étant déclaré vacant). Le traité de Trianon , en juin 1920, consacre le triomphe des puissances de la Petite Entente (Yougoslavie , Roumanie , Tchécoslovaquie , soutenues par la France ) ; la Hongrie cède à la Yougoslavie la Croatie et la Slovénie , à la Roumanie la Transylvanie et le Bánát de Temesvár, à la Tchécoslovaquie la Ruthénie et la Slovaquie . Sur le plan intérieur, Horthy a les mains libres pour instaurer un régime conservateur et traditionaliste, que les conséquences de la crise mondiale de 1929 poussent progressivement vers le fascisme . Sur le plan extérieur, la Hongrie, qui souhaite réviser le traité de Trianon, se rapproche après 1933 de l'Allemagne nazie. Elle obtient, après les accords de Munich puis les transactions de Vienne, de récupérer le sud de la Slovaquie et le nord de la Transylvanie. Le destin du pays est alors lié à celui de l'Allemagne  ; en 1941, les Hongrois entrent en guerre aux côtés d'Hitler . Mais, après les grandes défaites de l'Allemagne durant l'hiver 1943-1944, Horthy tente un rapprochement avec les Alliés. La riposte d'Hitler est immédiate : en mars 1944, les troupes allemandes occupent la Hongrie . Ferenc Szálasi , le chef d'un mouvement d'extrême droite, succède à Horthy et organise la déportation massive des Juifs hongrois. Sept mois plus tard, les troupes soviétiques, en libérant Budapest, mettent fin à ce régime de terreur.

L'après-guerre

Un gouvernement provisoire, dirigé par Dalnoki Miklós , est mis en place dès janvier 1945 et un armistice est signé avec l'URSS . En avril 1945, le territoire est entièrement libéré ; des élections ont lieu en novembre. Le parti des petits propriétaires obtient la majorité et, le 1er février 1946, la république est proclamée. Très rapidement, le gouvernement nationalise les banques, les mines, les industries lourdes et les chemins de fer. En trois ans, le parti communiste, avec l'appui discret de l'occupant soviétique, réussit à éliminer les autres partis. Il assure son triomphe en faisant voter la Constitution de la République populaire hongroise de 1949. Sous la direction de Mathias Rákosi , secrétaire général du parti communiste, qui impose un État stalinien, le gouvernement se lance dans une politique intensive d'industrialisation. Une réforme agraire radicale est mise en oeuvre. La brutalité des transformations, l'arbitraire de certaines décisions, l'effort énorme exigé des populations provoquent une profonde vague de mécontentement. En octobre 1956, une insurrection porte un député modéré au pouvoir, Imre Nagy . Celui-ci obtient des concessions de l'URSS, notamment le retrait des troupes stationnées depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Mais le mouvement populaire le pousse à prendre des initiatives plus radicales : abolition du système du parti unique, principe de la neutralité de la Hongrie et retrait du pays du pacte de Varsovie . Moscou décide de réagir. La riposte soviétique ne se fait pas attendre : le 1er novembre 1956, les chars soviétiques entrent dans Budapest ; Nagy est déporté (il sera exécuté deux ans plus tard). János Kádár surgit de l'ombre et, se réclamant d'un mouvement hongrois révolutionnaire paysan et ouvrier, s'empare avec le soutien des Soviétiques des leviers de commande. La répression du mouvement insurrectionnel sera impitoyable, visant indifféremment les leaders politiques ou les simples citoyens ; Imre Nagy ne sera pas le seul exécuté.

Après quelques années d'un régime sévère, sous la houlette de Kádár, secrétaire général du parti communiste, et de Jenö Fock , président du Conseil des ministres de 1968 à 1976, le régime se libéralise lentement. György Lázár , qui succède à Jenö Fock, sera l'un des principaux artisans de l'ouverture à l'Ouest. En 1971, le Présidium fait un geste spectaculaire : l'amnistie du cardinal Mindszenty , condamné pour haute trahison en 1949.

De l'assouplissement à la fin du régime communiste.

Acceptée par les Soviétiques, l'évolution de l'économie hongroise dans le sens " capitaliste " pendant les années 1970 s'accompagne d'une discrète ouverture diplomatique vers l'Ouest, et d'une intensification des liens avec l'Autriche. Parallèlement, János Kádár maintient un discours et une politique étrangère " orthodoxes ", et mène périodiquement des opérations de répression contre de petits groupes de dissidents, ceux de la " nouvelle gauche " en particulier. Au nom d'un nationalisme modéré, il prend également la défense de la minorité magyare de Transylvanie et essaie d'arracher quelques concessions en sa faveur auprès du gouvernement roumain.

Après la chute de Kádár (1988), celle du régime communiste s'opère sans difficulté en 1989. L'année suivante voit la victoire du Front démocratique hongrois, parti de centre droite, qui entreprend de libéraliser une économie déjà " favorablement " préparée, de façon cependant moins radicale qu'en Pologne. Après des débats difficiles, des lois sont mises en place en 1991, visant à indemniser tous ceux dont les terres ou les biens ont été confisqués par les collectivisations ou par la répression de la dictature communiste ; les responsables de l'ordre ancien sont également passibles de poursuites pénales. Sur le plan extérieur, la Hongrie cherche à intégrer le plus rapidement possible la CEE et l'OTAN . Ces objectifs communs la conduisent à se concerter avec la Pologne et la Tchécoslovaquie au sein du " Groupe de Visegrád ". L'importante communauté magyare vivant hors des frontières constitue le problème principal : ce sont en effet plus de 3 millions de Hongrois qui vivent en Slovaquie, en Vojvodine au sein de la Yougoslavie et en Transylvanie roumaine (à comparer avec les 10 millions de nationaux). Nonobstant un nationalisme toujours vivace au sein de la population, les gouvernements successifs de József Antall , de Péter Boross et de Gyula Horn adoptent sur ces questions une attitude modérée vis-à-vis des autorités serbes et roumaines, spécialement enclines à traiter défavorablement leur minorité magyare ; en particulier, et malgré un afflux perturbateur de réfugiés, le gouvernement hongrois évite toute implication dans le conflit qui fait alors rage en ex-Yougoslavie . Malgré d'incontestables succès économiques, et à l'instar de la Pologne, le parti du Forum démocratique est victime des déceptions qui font suite aux espérances que la démocratisation et la libéralisation de l'économie ont fait naître, et qui ne sont pas encore satisfaites. Face à une droite fragmentée, les ex-communistes, devenus socialistes, emportent avec 55 % des suffrages les élections de 1994, qui portent Gyula Horn à la tête du gouvernement.Celui-ci mène une politique budgétaire et fiscale de rigueur, réduit la dette publique et accélère le programme de privatisations. La croissance du PIB passe de 1,3 % en 1995 à 4,4 % en 1997, et la Hongrie recueille plus de 30 % des investissements étrangers destinés aux pays de l'Europe centrale et orientale. Mais les élections législatives du 24 mai 1998 portent au pouvoir la coalition du Fidesz (Fédération des jeunes démocrates) et du Parti des petits propriétaires, nationaliste et populiste. Viktor Orban devient Premier ministre. Le 12 mars 1999, la Hongrie entre officiellement dans l'OTAN.